Conditions Générales d'Utilisation : Quel droit s'applique ?
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/ Novembre 2020 /
Le 28 juillet dernier, la Cour de justice de l’Union européenne a rendu une décision importante empêchant Amazon d’imposer la loi luxembourgeoise comme cadre juridique applicable à ses conditions générales de vente. Cette décision reflète une volonté accrue de protéger les consommateurs face aux pratiques des entreprises, et en particulier celles des géants du numérique.
Amazon figure parmi ces « géants du Net », regroupant certains des sites et applications les plus utilisés au monde. Avec une part de marché colossale, la plateforme comptait déjà plus de 120 millions d’utilisateurs, s'étant hissée en 2017 au rang du 4ᵉ site le plus visité.
Désignées collectivement par l’acronyme « GAFAM » (Google, Amazon, Facebook, Apple, Microsoft), ces grandes entreprises établissent des conditions générales de vente (CGV) et d’utilisation. Ces documents encadrent les droits et obligations des utilisateurs, mais leur application est parfois remise en question pour garantir une meilleure équité.
Par définition, les conditions générales de vente (CGV) ont pour rôle d’informer l’internaute, principal contractant du site internet, sur les modalités d’utilisation de la plateforme : ce qui est autorisé ou non, le régime juridique applicable, etc. La distinction entre les CGV et les conditions générales d’utilisation (CGU) réside dans leur champ d’application : les CGV régissent « la relation commerciale » entre le professionnel et le client dans le cadre d’un site de vente, tandis que les CGU encadrent la manière d’utiliser le site.
En droit international privé, l’un des problèmes centraux est la détermination de la loi applicable aux faits. Si cette problématique est récurrente dans des domaines comme le droit de la famille, elle est souvent contournée dans les contrats internationaux grâce à des clauses spécifiques. En effet, de nombreux contrats incluent des clauses attributives de juridiction et des clauses déterminant la loi applicable au contrat.
Ces clauses permettent, en cas de litige, d’appliquer la loi choisie dans le contrat, quel que soit le lieu du différend ou la nationalité des parties. Cependant, il est essentiel de rappeler que les dispositions relevant de l’ordre public international prévalent, indépendamment de la clause relative à la loi applicable.
La Cour de cassation définit l’ordre public international comme une situation où « le juge français applique directement une loi étrangère ou une loi de police française, laquelle s’impose en dehors de tout raisonnement de droit international privé, et donc sans référence à la conception française de l’ordre public ». L’ordre public international est généralement d’origine nationale (française, par exemple), bien que certaines dispositions du droit européen puissent également constituer des lois de police.
Concernant Amazon, la plateforme stipule dans l’article 12 de ses conditions générales que « le droit luxembourgeois s’applique à l’exclusion de la Convention des Nations Unies sur les contrats de vente internationale de marchandises (CVIM) ». Ces conditions ne mentionnent toutefois pas les lois impératives nationales qui pourraient trouver à s’appliquer.
C’est dans ce contexte que l’association de consommateurs autrichienne VKI a engagé une action devant le tribunal de commerce autrichien, contestant plusieurs clauses des conditions générales d’utilisation du géant du web Amazon. Cette affaire a finalement été portée devant la Cour suprême autrichienne, qui a soumis plusieurs questions préjudicielles à la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE). Parmi ces questions figuraient deux problématiques centrales :
- Quel droit était applicable aux conditions de vente d’Amazon ?
- Quel droit devait encadrer le traitement des données personnelles effectuées par cette entreprise ?
Le 28 juillet 2016, la CJUE a rendu sa décision. Celle-ci mérite une analyse approfondie (I) et s’inscrit dans une dynamique européenne et nationale visant à renforcer la protection des consommateurs face aux géants de l’internet (II).
I. Analyse de l’arrêt de la CJUE
La CJUE s’est prononcée sur les deux questions préjudicielles soumises :
- Le traitement des données personnelles (A)
- La loi applicable aux conditions de vente d’Amazon (B)
A. Quant au traitement des données
Le traitement des données fait référence à une série de processus permettant d'extraire des informations ou de générer des connaissances à partir de données brutes.
La Cour autrichienne a formulé la question préjudicielle en ces termes :
« Le traitement de données à caractère personnel par une entreprise qui conclut, par voie de commerce électronique, des contrats avec des consommateurs résidant dans d’autres États membres est-il soumis, en vertu de l’article 4, paragraphe 1, sous a), de la directive 95/46, exclusivement au droit de l’État membre où l’entreprise a son établissement qui procède au traitement, ou cette entreprise est-elle tenue de respecter aussi les règles en matière de protection des données des États membres vers lesquels elle dirige son activité économique ? »
Cette question souligne un conflit entre deux principes juridiques :
- Le principe du lieu d’établissement, selon lequel le droit applicable est celui de l’État membre où se situe l’entreprise.
- Le principe de destination, qui impose à l’entreprise de se conformer aux lois des États membres dans lesquels elle exerce une activité économique.